Littérature

Le Tatoueur d'Auschwitz, un roman d'amour sur fond historique pas si historique

Écrit par la journaliste Heather Morris, le Tatoueur d'Auschwitz se présente comme tiré d'une histoire vraie voire un témoignage... mais manque de réalisme.

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Floriane

7 avril 2025

Illustration

Lale Sokolov est un juif slovaque, déporté en 1942 à Auschwitz. Repéré par un détenu dont la fonction est de tatouer les nouveaux venus, il parvient à se faire engager sur ce même travail. Cela lui octroie alors une position avantageuse au sein du camp avec notamment une chambre individuelle ou des possibilités de naviguer dans le camp et « d’organiser » plus facilement des échanges pour des rations de nourriture supplémentaires. 

Un jour, alors qu’il doit tatouer un groupe de femmes, ses yeux se posent sur Gita dont il tombe immédiatement amoureux. Les deux savent qu’ils sont faits l’un pour l’autre et déjouent, comme ils le peuvent, la dure réalité du camp pour vivre leur histoire tout en se promettant qu’un jour, ils seront libres.

 

Le Tatoueur d’Auschwitz se pose comme tiré d’une histoire vraie. Car l’autrice, journaliste australienne, a rencontré Lale Sokolov lequel s’est décidé à raconter son histoire après la mort de Gita en 2003.

On ne va pas se mentir : les love-story, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Je me suis pourtant lancée dans la lecture de ce roman car il prend place dans un contexte historique qui me passionne et ce depuis de nombreuses années. J’espérais donc y trouver ces éléments de réalisme qui pourraient me faire apprécier la lecture de cette histoire d’amour vraie. J’ai été très déçue. Plusieurs passages m’ont rendue sceptique et m’ont totalement sortie de l’histoire. J’ai lu et écouté de nombreux témoignages de rescapés des camps et l’ambiance décrite dans le roman d’Heather Morris me semblait trop édulcorée, trop légère pour que ce soit réaliste. Certes, on y parle exécutions sommaires, tortures, mutilations et expériences scientifiques qui défient toute déontologie. Cependant, la facilité avec laquelle Lale se déplace au sein du camp et entre les camps (d’Auschwitz 1 à Auschwitz 2), parfois sans la surveillance du SS censé être responsable de lui, l’aisance avec laquelle il accède au camp des femmes ou soudoie la Kapo pour prendre un peu de bon temps avec son amoureuse m’ont laissée dubitative. Les personnages parviennent même à s’octroyer assez d’intimité pour une relation sexuelle, à deux pas des blocs SS !

Alors oui, peut-être que tout cela est vrai puisque basé sur le témoignage de Lale et que je me fais de fausses idées. Mais les erreurs commises par Heather Morris au fil de son récit sont réelles et pointées du doigt par plusieurs personnes et historiens. Certaines sont minimes (comme la description du trajet effectué par le train menant Lale jusqu’à Auschwitz ou encore le numéro de détenue de Gita). D’autres plus importantes : la révolte des Sonderkommando, qui a bien eu lieu, était moindre que celle décrite par Morris ou encore il était inconcevable qu’un prisonnier, repris après une évasion et condamné à mort, ait été laissé en liberté le temps de sa condamnation, lui laissant l’opportunité d’aller trouver Lale pour quémander son aide. Un article très détaillé du magazine du musée d’Auschwitz a été publié à ce propos. Pour celles et ceux qui lisent l’anglais, vous pouvez le découvrir ici.

Bref, vous pouvez dire que je chipote. Il est après tout normal qu’un roman prenne quelques libertés avec les réalité parce que, justement, il est un roman. J’ai simplement été déçue de ce côté très romancé car ce n’était pas ce que je cherchais en débutant ma lecture.

Pour autant, Le Tatoueur d’Auschwitz doit pouvoir plaire à celles et ceux qui aiment les histoires d’amour sur fond de contexte dramatique, un amour plus fort que toutes les horreurs de la vie et qui cherche à s’affranchir de cette morbide réalité. Les personnages ne m’ont cependant pas laissé une marque indélébile. J’ai trouvé Lale trop parfait, trop héroïque, trop généreux. Une sorte de Gary Stu (pendant masculin de la Mary Sue), autrement dit le personnage idéal, que tout le monde adore, admire. L’ensemble de ses actes sont foncièrement généreux, visant à assurer sa survie mais aussi celle de Gita, des amies de Gita et de ses amis du block 7. Un homme lisse, qui se donne corps et âme pour sauver une (ou des) vie(s). Qui sauve une vie sauve le monde, est-il dit à plusieurs reprises dans le roman.

N’étant pas particulièrement friande de romans d’amour, je dois avouer que l’histoire de Lale et Gita a également fini par me lasser. Je n’ai pas réussi à être touchée par cet amour qui naît dans un contexte aussi sombre que celui d’Auschwitz, symbolisant une lueur d’espoir dans cet univers de mort.

En somme, ce roman m’a laissée au mieux de marbre, au pire déçue.

Je pense néanmoins qu’il peut parler à d’autres personnes, moins en recherche d’un contexte historique exact et crédible et plus friandes de love stories incroyables (et vraies). Car mon avis va à contre-courant de la majorité des avis trouvables sur internet et si les notes moyennes s’élèvent 4.3/5 sur Babelio (sur 5659 avis), c’est qu’il y a matière à plaire ! Je n’étais juste pas le bon public. 

A vous de vous faire votre avis !

Floriane

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