Littérature

Le Royaume des Faux Dieux : une mythologie prometteuse… malgré une VF chancelante

Avec Le Royaume des Faux Dieux, Steve Higgs livre une saga d’urban fantasy résolument divertissante : ton léger, rythme trépidant, personnages hauts en couleur… même si l’univers reste d’abord esquissé et qu’une traduction parfois maladroite vient, hélas, gripper la lecture.

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Gabriel V.

25 mai 2025

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Un pitch qui happe d’emblée

Dès le tome 1 (Magie déchaînée), Higgs déroule un programme délicieusement pulp : Otto Schneider, détective-sorcier, doit s’échapper d’une cellule, enrôler un loup-garou grande gueule et foncer dans un royaume démoniaque pour sauver une fillette. Le cadre (Bremen, ambiance urbaine) ancre l’histoire dans le réel pendant que la magie déraille — au sens propre pour Otto — ce qui installe tout de suite rythme et péripéties. C’est efficace, lisible, et ça promet une montée en puissance épique rapidement. 

Rires en coin et esprit “buddy movie”

Le ton est léger, volontiers taquin : Higgs alterne punchlines, chaos surnaturel et scènes d’action franches. Le duo “mage débrouillard / loup-garou grande gueule” fonctionne comme un buddy movie : ça se chambre, ça improvise, puis ça serre les coudes quand tout part en vrille. Résultat : on se laisse embarquer très vite, sans lourdeur d’exposition — un vrai page-turner qui mise sur le plaisir immédiat de lecture. 

Une troupe variée et attachante

Au-delà d’Otto, la saga annonce une narration à plusieurs voix : chaque protagoniste suit son propre arc et finit par croiser les autres, ce qui enrichit les points de vue (et les collisions de caractères). Cette structure feuilletonesque est taillée pour l’attachement progressif : on revient autant pour les dynamiques de groupe que pour l’intrigue principale. 

Une mythologie intrigante… encore en construction

La promesse de fond est solide : des “faux dieux”, anciens maîtres capables de puiser dans l’énergie-source de la Terre, ont été bannis par une malédiction millénaire ; la barrière faiblit et leur retour se prépare. Le lore coche les cases — artefacts, royaumes parallèles, fractures entre mondes — mais Higgs choisit de l’ouvrir par touches pour privilégier l’action. L’univers reste donc d’abord esquissé, tout en alimentant l’envie d’en savoir plus à mesure que la saga (11 tomes en VO, publiés entre 2020 et 2023) déroule ses révélations. 

Rythme feuilletonnant : forces et limites

Le format enchaîne les objectifs clairs, les cliffhangers et les boss de fin d’épisode. C’est grisant pour qui aime l’urban fantasy nerveuse ; en contrepartie, certains décors, règles magiques ou enjeux “macro” restent en arrière-plan dans les premiers tomes. On sent que la cartographie complète — panthéon, politique occulte, mécanique de la malédiction — est pensée, mais révélée au long cours pour maintenir la dynamique. 

La version française : une sortie récente, mais une copie à polir

Côté VF, Magie déchaînée est paru le 23 janvier 2025 (auto-édité, 381 pages). La traduction restitue le tempo et l’humour, mais bute parfois sur des formulations et des fautes qui cassent le flux — un point relevé par plusieurs lecteurs, qui évoquent aussi quelques incohérences de continuité. Rien d’insurmontable si l’on vient chercher le fun, mais assez présent pour mériter une révision ou une harmonisation sur les tomes suivants. 

Verdict

Le Royaume des Faux Dieux coche les cases du divertissement : ton léger, cast attachant, action généreuse. L’univers — prometteur — s’ouvre par strates et peut sembler “en friche” au début, mais la perspective d’une fresque à multiples voix donne envie de poursuivre. Si la VF se peaufine, on tiendra une porte d’entrée très accessible vers une saga d’urban fantasy à haute valeur de plaisir immédiat.



Gabriel V.

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