Les grands absents (sans spoiler)
Cassons l’attente : non, ce papier ne parlera pas de Perceval… enfin, pas vraiment. L’absence de Franck Pitiot devant la caméra est l’un des sujets qui agitent la communauté, et l’équipe a confirmé que le rôle n’était pas au casting de cette première partie, ce qui n’empêche pas le personnage d’exister dans le monde de l’histoire. Le film joue donc la mise à distance, laissant présager une résolution ultérieure — possiblement en Partie 2.
Quant au fil saxon entrevu en fin de KV1, KV2 préfère manifestement le mettre entre parenthèses pour se concentrer sur de nouveaux enjeux (divins, magiques, politiques). Ce n’est pas un « oubli » : c’est un pari de feuilleton, qui peut frustrer autant qu’intriguer selon votre tolérance au long game. (On y revient plus bas.)
Les bras cassés… en voie de professionnalisation
Dans Kaamelott, presque tout le monde coche la case « bras cassés ». KV2 multiplie les profils : novices téméraires, vétérans désabusés et seconds couteaux qui montent en grade. Arthur réunit une Nouvelle Table Ronde, répartit les missions et envoie sa bande « prouver sa valeur » aux quatre coins du monde — une mécanique de quêtes qui redonne de l’élan à chacun, du plus rouillé au plus inspiré. On voit ainsi des idées à la con… parfois devenir des plans presque raisonnables. C’est la magie Kaamelott : l’incompétence s’y soigne par la camaraderie et la persévérance.
Un humour aux petits oignons… et du merveilleux en dur
La patte Astier fonctionne toujours : dialogues qui claquent, contretemps comiques, sens du non-dit. Surtout, KV2 pousse enfin le curseur du surnaturel tel qu’il était évoqué depuis la série : dieux à cran, spectres, nécromancie, invocations foireuses, et cette promesse glacée d’un Dragon opalescent qui nourrit l’imaginaire (et quelques séquences hautement picturales). Le registre reste hybride — aventure, fantaisie, comédie — avec un cran de gravité en plus.
Un point de vue décentralisé qui élargit l’univers
Historiquement centré sur Arthur, le récit se décentre : conseils sans lui, groupes en mission, intrigues parallèles, retours de figures aimées et arrivées de nouvelles têtes. Résultat : Arthur parle moins, mais Kaamelott respire davantage. C’est un vrai récit choral, assumé par la structure même du film — pensé comme une Partie 1 d’un diptyque tourné d’une traite, avec la Partie 2 annoncée pour fin 2026. Ce choix explique l’impression d’« épisode » riche mais partiel, et la sensation (agréable) de monde en expansion.
L’ampleur de la production se voit à l’écran
Astier a tourné dans trois pays, en 100 jours, avec 78 acteurs — un chantier mené comme une série de moyens métrages plus que comme un seul film hypertrophié. À l’arrivée, la photo, les décors réels (du Vercors à l’Islande en passant par Malte) et le score gonflent l’épique sans sacrifier les apartés comiques. L’ambition industrielle sert l’ambition narrative : on y croit parce que c’est grand et concret.
Et pourtant, on en veut encore
Avec environ 2 h 19 au compteur, KV2.1 laisse la drôle d’impression d’une saison lancée à pleine vitesse qui coupe son générique pile quand on est chaud. C’est le revers du format en deux temps : la closure est moindre, mais l’envie de rempiler est maximale — et c’est clairement l’objectif. On sort à la fois repu en scènes et affamé en réponses.
Verdict
KV2.1 coche ce qui fait le sel de Kaamelott : des gueules, des vannes, de la poésie triviale et une mythologie qui, désormais, montre ses crocs. Les quelques frustrations (un fil saxon mis de côté, un grand absent très commenté, la nature « première partie ») n’éteignent pas le plaisir de voir l’univers s’ouvrir enfin en largeur et en hauteur. Si vous aimez Kaamelott pour sa manière de rendre l’héroïsme bancal et collectif, vous serez servi — et vous guetterez, comme tout le monde, la Partie 2.
Gabriel, Chevalier solitaire et rébarbatif